J’écrivais dans le précédent article qu’il y a eu 3 moments décisifs dans mon parcours par rapport à la pratique de l’acquiescement.
Je me souviens encore de cet après-midi où de nouveau l’orage menaçait d’éclater entre mon mari et moi. Je sortais de la maison car la tentation était trop grande d’échanger encore une fois afin d’obtenir ce que je voulais par la force d’habitude : avoir raison, être entendue, etc…
Aujourd’hui, je comprends qu’en sortant de la maison, en m’asseyant sous la fenêtre de la cuisine et en me promettant que je n’en bougerai pas tant que la colère ne se soit pas apaisée, je voulais, plus que le reste, obtenir autre chose.
Je voulais arrêter d’avoir 5 ans et obtenir de mes parents l’attention et l’écoute. Je voulais avoir vraiment mon âge, être vraiment adulte et devenir maître de ma colère pour arrêter de faire souffrir mes proches.
Cet après-midi-là, d’apaiser la colère par la seule force de ma connexion avec elle et non en me distrayant par une lecture ou un film, j’ai compris que je suis devenue plus forte qu’elle et il ne tenait qu’à moi de sortir du statut de jouet et d’en devenir totalement le maître.
Je peux vous dire, selon l’expression habituellement utilisée, qu’il y a eu un « avant » et un « après » pour moi .
Je tiens à ajouter- tant la confusion est grande- que devenir maître de sa colère ne veut pas dire la refouler.
« Ni je refoule, ni me défoule. La frontière est ténue, difficile à tenir mais non impossible. »**
La bascule
Le troisième moment décisif, il y a trois ans, m’a convaincue définitivement que c’est infiniment plus intéressant de ne pas du tout ouvrir la bouche sous l’emprise de l’émotion. Il a été un moment de bascule dans mon existence.
Au cours d’un séjour à Hauteville*, où mon mari travaillait à mi-temps, j’ai pu le voir évoluer au milieu des retraitants et de ses collègues. Les démons de la comparaison et de la jalousie sont revenus toquer à la porte.
Des pensées du genre « il n’a jamais été aussi gai quand il était avec nous », « quel sale comédien » entre autres (!) m’assaillaient. J’étais le siège du désir de l’écrabouiller sous la vindicte de l’épouse et la mère de famille outrées, comme j’ai toujours très bien su faire.
Mais voilà, j’ai appris que le silence est d’or. Et j’ai passé quelques jours comme cela, en très bonne compagnie, avec mes démons.
Tout d’un coup, m’a sauté aux yeux ( c’est vraiment cela car je n’ai échangé avec personne sur ce thème, étant sur son lieu de travail) la réalité de cet homme -celui que je nomme mon mari. Ce qui s’est imposé à moi m’a fait voir que je ne le connaissais pas et que je ne l’ai jamais vu malgré nos années de vie commune. J’ai vu combien le terme de « projection » est vrai. Pendant toutes ces années, je n’ai fait que projeter sur lui mon monde intérieur, mes blessures, les reproches que je faisais à mes parents. Je n’ai jamais vu ni qui il était réellement ni ce qui le composait. Je ne l’ai jamais compris ! De prendre son monde intérieur en moi, je ne peux qu’acquiescer au fait qu’il soit heureux à Hauteville.
Bien sûr, c’est tellement compréhensible !
J’explique ce qui s’est passé par ce passage dans le livre de Denise DESJARDINS :
«A ce stade, débute le quatrième chapitre de l’histoire, où la buddhi, la faculté de compréhension, de discrimination va entrer en action,… »***
*Lieu spirituel fondé par Arnaud DESJARDINS ** Denise DESJARDINS, La stratégie du oui, p.272, 1993, édit. La Table Ronde **idem, p.273