L’exercice 1ère partie | 2ème partie | 3ème partie | 4ème partie | 5ème partie
1er exercice : Aucun refus (suite)
« Tout ce qui ne me convient pas au présent n’a pas à être changé pour que je sois en paix. »
Comme promis, je développe.
Nous n’avons pas à changer absolument tout ce qui ne nous convient pas pour vivre en paix et nous sentir réconciliés avec l’existence et nos conditions.
Ceux qui me connaissent savent que je n’affirme rien dont je n’ai pas fait l’expérience. C’est vrai, ce n’est pas encore la paix parfaite. C’est une paix relative, plus stable et plus grande au fur et à mesure que les ans passent.
Bien sûr, ma vie est relativement aisée maintenant. On pourrait dire alors que c’est facile de se sentir en paix. Nous connaissons aussi bon nombre de personnes avec des conditions de vie largement plus aisées et qui sont frustrées, malheureuses, tendues et mécontentes de leur condition.
C’est une course sans fin, cette course que nous menons pour obtenir ceci, puis cela, puis encore autre chose, puis encore….. La joie est toujours pour demain, dans ce cas, quand nous obtiendrons…. Vivant de cette manière, nous nous retrouvons au bout de l’existence, toujours insatisfaits.
Si vous admettez que nous n’aurons jamais tout ce que nous voulons, car dès qu’un désir est comblé, un autre apparaît, par quel chemin pouvons-nous arriver à ce contentement, contentement dont nous parlent les enseignements spirituels ?
« Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain, le lendemain s’inquiétera de lui-même. »*
Le chemin vers le contentement
Il y a bien sûr cette nécessité d’aimer et de s’aimer que j’ai évoquée dans mes précédents articles.
Je vais plutôt dans ce chapitre évoquer ce qui est vraiment méconnu par beaucoup de chercheurs spirituels.
Nous avons tendance à associer l’ascèse au dénuement, au mépris de l’argent et de la réalisation de nos désirs et de nos ambitions dans l’existence.
Cette réalité de vie simple et de dénuement sur le chemin spirituel est précieuse et existe bien sûr mais elle n’est pas d’emblée pour tous, en tout cas pas pour nous qui ne sommes pas prêts.
Arnaud citait souvent cette phrase : « Qui veut faire l’ange fait la bête. »
Vouloir faire passer les autres avant soi, sans être prêt, conduit à des effets pervers comme la moralisation de l’autre et sa culpabilisation quand il ne répond pas à nos attentes.
De même, vouloir vivre le dénuement et renoncer à des plaisirs et des réussites de l’existence sans être prêt mène à l’intolérance et à la condamnation de l’autre qui ne prend pas le même chemin que soi.
Cela nous mène à une attitude strictement inverse à l’amour préconisé par tous les maîtres. N’avez-vous pas rencontré des personnes dont la conduite est admirable d’un point de vue morale et dont l’exigence vis-à-vis de soi et des autres est inhumaine ?
Alors cette instruction : « Ne vous inquiétez donc pas pour le lendemain, le lendemain s’inquiétera de lui-même» veut-elle dire que nous ne devons rien entreprendre pour combler nos désirs, réaliser nos ambitions, trouver notre place, nous exprimer selon ce que nous portons en nous?
Veut-elle dire que nous devons nous contenter tout de suite de nos conditions alors que nous sommes pleins de frustrations et de tensions qui en résultent ?
Rappelons-nous que l’enseignement d’un maître parle de 3 niveaux : le niveau ordinaire, le niveau ultime et le chemin pour y accéder.
Au niveau ordinaire, oui, nous nous inquiétons pour le lendemain. Nous amassons dans nos greniers.
Le niveau ultime vers lequel pointe Jésus est, à l’inverse, celui des «oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne moissonnent. Ils n’amassent point dans des greniers.» **
Le chemin est indiqué dans cette instruction : « Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu. »***
Rappelons les précisions du Christ concernant le Royaume.
« Si ceux qui vous entraînent vous disent : « Voici, le Royaume est dans le ciel ! » – alors, les oiseaux du ciel y seront avant vous. S’ils vous disent : « Il est dans la mer ! » – alors, les poissons y seront avant vous. Mais le Royaume est au-dedans de vous et il est au-dehors de vous. »****
et
« Je vous donnerai ce que jamais œil n’a vu, et ce que jamais oreille n’a entendu, et ce que jamais main n’a atteint, et cela qui n’est jamais monté au cœur de l’homme. »*****
Voilà le niveau ultime : quand nous aurons trouvé le Royaume dans notre coeur, nous serons comme les oiseaux du ciel et les lys des champs.
Le chemin de retour vers soi, amplement développé dans les articles précédents, consiste en un travail sur les émotions et les pensées.
Nous sommes le sel de la terre
Cependant, le soi n’est pas seulement composé d’émotions et de pensées.
« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. »******
Ces paroles, extraites du Sermon sur la montagne de Jésus, au début de ses enseignements, s’adresse à la foule, à chacun de nous.
Nous sommes le sel de la terre.
Nous sommes la lumière du monde.
Nous avons à donner toute notre saveur.
Nous avons à briller de toute notre lumière et à en faire profiter ceux qui nous entourent.
Il parlait bien sûr de notre potentiel et de la nécessité de le déployer comme faisant partie du chemin spirituel.
Nous sommes là, bien loin, de ceux qui prêchent une fausse humilité basée sur une méconnaissance de soi, l’intérêt pour soi étant assimilé à de la vanité et de l’orgueil.
A son tour, Karlfried Graf DÜRCKHEIM nous parle de notre potentiel et de la difficulté à le réaliser. Notre potentiel, quel qu’il soit, est toujours au service du monde.
« Saisi par sa mission vis-à-vis du monde, il se voit responsable de l’oeuvre qui lui est imposée, et en même temps, incapable de répondre à sa Grande Mission par manque d’ « être » et de « pouvoir ». Saisi par sa vocation intérieure, il est bien au service de l’image de son être essentiel, mais combien aussi, loin de sa réalisation intérieure ! Ce qui prédomine malgré tout est cependant le Grand Appel. C’est pour la première fois que la vie se trouve sous le signe de la grande Vie, et par conséquent que l’existence est suivie d’un sens plus profond. »*******
Se connaître et se réaliser font partie du chemin de l’homme.
En vérité, nous sommes beaucoup à avoir entendu ou à entendre encore le Grand Appel de la Grande Vie, nous murmurant notre vocation intérieure.
Nous sommes beaucoup à nous détourner. Le grand nombre de la clientèle des cabinets de thérapeutes en témoigne !
« Devenir un moi et une personnalité plus ou moins autonome fait partie du chemin de l’homme. »********
Nous sommes loin du rêve de la grande Réalisation à bon marché.
Dans l’article suivant, je vous parle de mon expérience de la réalisation du potentiel.
*Math. 6,34 **Math. 6, 26 ***Math. 6,33 ****Evangile de Thomas, logion 3 *****idem, logion 18 ******Math. 5, 13-15 ******* La percée de l'Être, Karlfried Graf DÜRCKHEIM, Le Courrier Du Livre, 1970, p.95 ********idem, p. 101